La fin du marketing de l’influence

Partout où vous entendez parler du marketing de l’influence ces derniers temps, il semble s’agir d’un phénomène qui a le vent en poupe. Certes…d’où cette overdose qui m’assaille et me démange, telle l’étiquette d’un t-shirt qui dépasse et qui irrite la peau. Overdose du marketing de l’influence.

Overdose polymorphe, tant affirmée qu’insidieuse.  Overdose de contenu pseudo-authentique sur mon feed. Overdose de mémoires de mes étudiants sur ce sujet. Overdose d’articles de presse vantant la révolution génialissime de l’influence et l’analysant, une marque révolutionnaire à la fois. O-ver-dose.

Chères marques, chers influenceurs, chers étudiants, chers amis journalistes : il suffit !

Afin de pouvoir traiter d’overdose, il est opportun d’identifier la nature de la substance nocive. Le marketing de l’influence a pour but de capitaliser sur la réputation et le réseau d’une personne en lui demandant d’endosser une marque ou de co-créer du contenu. Par définition, il se positionne comme l’antithèse du celebrity marketing. Les influenceurs sont authentiques, sincères, proches des consommateurs. Les célébrités, par contre, sont inaccessibles, inauthentiques et trop éloignées de notre réalité. Tout le monde se réjouit donc de ce phénomène qui semble déjouer les grossièretés du Nespresso de Clooney et de l’Omega de James Bond.

L’influenceur, en effet, est beaucoup plus proche du consommateur que la star d’Hollywood ! Tout comme Monsieur Tout le monde, l’influenceur professionnel, vole en première classe six fois par mois pour aller à des événements Chanel sur des rooftops New-Yorkais. Il a une collection 50 de baskets à 300 euros qu’il a reçu gratis pour les montrer en story, mais il est plutôt sympa car il les revend en seconde main sur Vinted à 150 euros. L’influenceur reçoit au rabais un coach personnel, des produits de régime, et des massages repulpants contre 4 mentions, 2 posts sponsorisés et 1 concours. L’influenceur parle à des inconnus à coups de « coucou les zamours », « salut la team » et « je vous aime trop, merci pour vos likes ».  Bref, les influenceurs sont exactement comme nous !

Mais attention, les marques sont subtiles et collaborent de moins en moins avec les gros (ou macro) influenceurs : ceux-ci sont de moins en moins crédibles. Afin de déjouer les pièges que les collaborations avec ces « mini-stars » slash influenceurs peuvent générer, elles se tournent maintenant vers les nano-influenceurs, qui n’ont que quelques milliers de followers tout au plus. Résultat : plus d’authenticité, plus de proximité, plus de confiance, plus de ventes. Au final, il semblerait que n’importe qui avec la main lourde sur le hashtag peut recommander des marques à son réseau d’amis élargi. Dès lors, à quand le « pico » marketing de l’influence? A quand le moment où les utilisateurs seront payés pour envoyer un message privé customisé à chacun de leurs contacts pour leur recommander un produit ? Ce moment où votre grand-mère vous recommandera le dernier service de trottinette en lévitation magnétique via Messenger n’est peut-être pas si éloigné.

Les marques sont en train de hijacker l’amitié, la confiance, la sincérité. L’influence est vouée à impacter non seulement la crédibilité des marques et influenceurs, les modèles économiques des réseaux sociaux mais aussi et surtout, les relations interpersonnelles. A terme, nous lirons avec un brin de suspicion non seulement les messages publicitaires, mais tous les messages qui nous sont adressés, par qui que ce soit.

Quid de l’après-influence ?

Il est donc temps d’avoir une longueur d’avance et de déjouer les pièges du marketing de l’influence qui attendent les marques au tournant – beaucoup plus vite qu’elles ne le pensent si l’on en croit la rapidité avec laquelle le phénomène évolue. Ce moment pas si lointain où l’on ne pourra plus ouvrir sa page Facebook sans être harcelé de message promotionnel de tout notre réseau. Les marques arrêteront peut-être alors de jouer au jeu de la sincérité par intermédiaire, et repasseront à des modèles d’utilisation de célébrités sans honte.  Pourquoi pas revenir aux basiques du celebrity marketing ? Les consommateurs savent du moins que les stars sont payées, et puis elles font rêver. Pourquoi ne pas prendre dès maintenant un train d’avance avec des campagnes du type: « Nous avons pensé à collaborer avec des bloggers, mais Rihanna est encore la plus envoutante des égéries ».  Pourquoi ne pas se rappeler, par ailleurs, que nos meilleurs porte-paroles, ce sont encore nos employés. On parle de marque employeur et de meilleur employeur de l’année et ce n’est pas par hasard: beaucoup ont compris que c’est en soignant sa marque de l’intérieur, et en valorisant ses employés que l’on arrive à communiquer à l’extérieur des valeurs fortes et auxquelles on peut faire confiance. Hashtag #nofilter?

Article paru en février dans La Libre Belgique.

Dr. Laurence Dessart,
Assistant Professor Marketing,
HEC Liège – Ecole de gestion de l’Université de Liège