Nos Alumni face au COVID-19 (1)

Nos Alumni actifs dans le secteur hospitalier reviennent sur la réalité du terrain, les défis et les espoirs qui les animent.

Retour sur cette période particulière avec Isabelle Degand (CFO – Deputy CEO CHU de Liège & Alumni 1989), Isabelle François (Directrice Clinique CHC MontLégia & Alumni 1997) et Sylvianne Portugaels (Directrice générale CHR de la Citadelle – Liège & Alumni 1983)



Quel est a été l’état de santé des hôpitaux durant ce confinement ?

I.D. (Isabelle Degand) : Le confinement (matérialisé dans un « Plan d’Urgence Hospitalier ») a eu un impact majeur sur les hôpitaux, la toute première ligne touchée. En effet, toutes les consultations et le programme opératoire ont été annulés immédiatement, privant dès lors l’hôpital de toutes rentrées. Par contre, les coûts ont considérablement augmenté par l’installation des circuits patients séparés, l’implémentation du tri avancé, le coût du matériel qui a flambé (pour l’anecdote, les masques chirurgicaux vendus avant la crise autour de 0.03 EUR ont atteint jusque 1.00 EUR …), le coût du personnel supplémentaire, etc. De plus, il faut savoir que la situation d’un hôpital académique est particulière puisque 80% des médecins sont salariés. Contrairement à d’autres opérateurs économiques, nous n’avons que très peu pu contracter notre masse salariale. L’impact financier va donc être majeur et est une source d’inquiétude pour le secteur. En termes de trésorerie par contre (et j’ai assez souvent répété aux étudiants que « cash is king » …), notre situation est saine. Notre position de trésorerie ne sera impactée qu’à partir du mois prochain vu le décalage de facturation. Nous avons tout mis en œuvre, notamment avec l’aide de nos banquiers, pour passer cette période sereinement en matière de trésorerie et assurer tous les paiements.

I.F. (Isabelle François) : En cette période de pandémie, les hôpitaux s’attellent à rester en équilibre, à tous niveaux. Nous devons, plus que jamais, soigner sans compter l’énergie dépensée, tout en gérant nos ressources avec parcimonie. L’accroissement important des coûts et la diminution des recettes auront naturellement des répercussions sur l’équilibre financier de l’hôpital. Et puis il y a l’équilibre humain : le capital humain d’un hôpital est l’élément qui fait toute la différence dans la prise en charge des patients. Il faut naviguer entre l’énergie intense que nos équipes doivent déployer à chaque instant, et la distance qu’il nous reste à parcourir dans la lutte contre le COVID. Il faut soigner les patients et prendre soin des soignants.

S.P. (Sylvianne Portugaels) : Au début de la crise, l’ambiance était très particulière. C’était difficile tant sur le plan émotionnel qu’au niveau de la charge de travail. Puis rapidement, la solidarité, le partage et l’implication de tous se sont installés. La crise sanitaire s’est muée en une aventure humaine « extra-ordinaire ». Nos équipes ont fait par ailleurs preuve d’anticipation puis de réactivité et d’innovation, ce qui nous a permis de tenir bon jusqu’à présent.


Quels sont les retours que vous avez perçus de la part des citoyens à l’égard du monde hospitalier ?

I.D : Nous avons été très touchés, et le sommes toujours, par l’élan de solidarité de la population vis-à-vis des métiers de première ligne et singulièrement, du monde hospitalier. Les dons que nous avons reçus, qu’ils soient gros ou petits, financiers, en matériel de protection ou en petites douceurs, sont toujours quotidiens et ont un impact important sur le personnel soignant. Au-delà des décisions politiques qui devront immanquablement être prises pour l’avenir, c’est un geste solidaire et spontané qui est vraiment très impressionnant. Il est également important de souligner le rôle majeur qu’ont joué les acteurs économiques autour de l’hôpital. Les entreprises de la région se sont mobilisées, des collaborations magnifiques ont été lancées, on a gagné un temps fou et pris des orientations pleines d’espoir. C’est assez neuf autour du monde hospitalier et nous avons la volonté de nourrir et faire vivre cet écosystème par-delà la crise. Je ne m’attarderai pas sur les quelques comportements passablement irresponsables que nous pouvons constater de la part de certaines personnes de temps en temps. Je préfère me focaliser sur l’immense majorité des citoyens qui font de leur mieux et comprennent l’importance des gestes protecteurs de base.

I.F: Nous sommes impressionnés par l’esprit de solidarité dont chacun fait preuve à l’égard des soignants et de tous les métiers qui contribuent de près ou de loin aux soins ou aux patients. La population et particulièrement les familles des patients sont très reconnaissantes et ne manquent pas de manifester leur gratitude vis-à-vis du personnel hospitalier. Ça fait chaud au cœur.

S.P : L’accueil est positif ! Nous avons tout de suite ressenti un grand élan de solidarité et de soutien de la part des citoyens, mais également de nombreuses entreprises. Concrètement, nous recevons des dons financiers, alimentaires ou du matériel ainsi que de nombreux messages de soutien sur les réseaux sociaux. D’un « endroit où l’on vient pour mourir », l’hôpital s’est transformé, dans l’inconscient collectif, en un « lieu où on se bat pour vivre », et où le personnel se démène pour cela. C’est un signal fort !


Souhaiteriez-vous faire passer un message particulier aux lecteurs ?

I.D : Ne pas (trop) lire les informations relayées un peu partout. J’ai arrêté il y a un moment déjà car je me suis rendue compte rapidement que c’était très anxiogène et peu utile. Surtout j’y retrouvais très peu de la réalité que je pouvais observer à l’intérieur. Je voudrais également ajouter que le professionnalisme, l’agilité, la réactivité de l’hôpital ont été (et sont toujours) remarquables. Moi qui étais à peine arrivée, j’ai vraiment été impressionnée qu’une institution d’une telle taille soit capable de réagir aussi bien à un événement totalement inédit. Était-ce ou est-ce parfait ? Probablement pas. Mais les décisions sont prises, les situations sont réévaluées en permanence, l’institution fonctionne, les missions sont remplies.

I.F. : Il est parfois difficile de saisir la logique qui se cache derrière certaines stratégies adoptées par ceux qui nous dirigent car tout peut sembler si simple… Dans les coulisses, pourtant, ces décisions sont la majorité du temps le fruit de réflexions fastidieuses, face à des problèmes complexes et multifactoriels. Il n’est pas non plus toujours aisé de comprendre pourquoi les autorités nous demandent de suivre des règles qui nous paraissent strictes. Mais nous devons faire confiance aux experts et faire preuve de discipline dans le suivi des mesures qui s’imposent à nous. Car même si elles touchent à nos libertés individuelles, c’est sûr, elles vont contribuer à sauver les vies de nos proches.

S.P. : Restez prudent… et sortez masqué ! Prenez soin de vous et de vos proches. N’hésitez pas à venir à l’hôpital si vous présentez un problème de santé.


Un leitmotiv en cette période hors du commun ?

I.D. : Nous ne remercierons jamais assez la population pour son soutien à nos équipes soignantes. Tous ces gestes, même les plus anodins, ont une portée très significative. Humainement, nourrissons-nous longtemps de ce que nous vivons aujourd’hui.

I.F. : Et si nous voyions les choses autrement ? Derrière toute situation difficile se cache, pour qui veut le voir, une opportunité d’évoluer. Cette période nous oblige à admettre que la vie ne tient qu’à un fil. Nous devons remettre en question nos habitudes, nous adapter rapidement, faire preuve d’ingéniosité et de solidarité. Ce sont, là aussi, des leçons que nous ne sommes pas prêts d’oublier…

S.P. : Dynamisés par l’Humain, boostés par l’Excellence ! C’est le thème de notre plan stratégique 2020-2025 qui trouve tout son sens en cette période particulière. On peut vraiment dire que notre personnel a été exceptionnel pendant cette crise : humainement, professionnellement, solidairement et efficacement.

 

Isabelle Degand
CFO – Deputy CEO – CHU de Liège
Alumni 1989
Isabelle François
Directrice – Clinique CHC MontLégia
Alumni 1997
Sylvianne Portugaels
Directrice générale CHR de la Citadelle – Liège
Alumni 1983