Nos Alumni face au COVID-19 (3)

Miami, Shanghai, Santiago ou Sydney… nos Alumni nous informent de la situation à l’étranger

Stéphanie Grignet – Operations Director chez EF Education First à Miami, Etats-Unis – Alumni 2011 

Philippe Delcourt – Consulate General of Belgium in Shanghai chez Wallonia Export-Investment Agency, Shanghai, Chine – Alumni 1992 

Nicolas Philips – CIO chez Sigdo Koppers, Santiago,Chili – Alumni 2003

Julien Lambert – Manager chez PwC Australia, Sydney Australia – Alumni 2014



Comment se passe votre confinement dans votre pays ? Quels sont les changements majeurs que vous observez ?

S.G. (Stéphanie Grignet, USA) : La situation aux États-Unis diffère grandement d’un état à l’autre. Certains ont confiné leur population, d’autres pas. Certains font face à un nombre élevé de cas, d’autres pas. Il est donc difficile, voire impossible, de généraliser la situation du pays. En Floride, beaucoup de citoyens continuent de sortir de chez eux car les températures sont clémentes et agréables au printemps. L’atmosphère est relativement positive pour ceux qui peuvent télétravailler mais stressante pour ceux qui ont perdu leur emploi car la protection sociale n’est guère aussi développée qu’en Belgique.

P.D. (Philippe Delcourt, Chine) : La Chine a pris des mesures drastiques pour éviter une trop grande propagation du virus si bien que, mis à part Wuhan et la Province de Hubei, le nombre de cas et le nombre de décès a été bas. Par exemple, Shanghai, ville de 26 millions d’habitants n’a eu officiellement que 400 cas et 7 décès. Les experts internationaux doutent de ces chiffres mais, vu d’ici, le confinement a été tellement important, très long et respecté par tous, que le virus a été sous contrôle très rapidement à Shanghai. Le port du masque est obligatoire depuis début février et les écoles ouvrent le 18 mai. Toute personne infectée est automatiquement isolée et via une application QR code sur smartphone, toutes les personnes qui ont été en contact avec elle (avion, métro, restaurants,…) sont directement mises en quarantaine (avec un lock électronique relié à la police sur sa porte). Cette période est difficile pour toutes et tous (cours à distance pendant près de 4 mois, confinement, port du masque jusqu’à nouvel ordre,…) mais nous pouvons dorénavant reprendre une vie quasi normale. Légende de la photo : QR code indispensable pour accéder à notre résidence, aux magasins, clubs de sport, restaurant. Mis à jour au quotidien, s’il est vert, tout va bien 😊

J.L (Julien Lambert, Australie) : Le confinement se passe beaucoup mieux que ce que j’aurais pensé, l’Australie a relativement été épargnée par la pandémie. Je vis en colocation avec un espace extérieur, ce qui aide à garder une vie sociale active et à prendre l’air. Les changements majeurs pour moi sont de ne plus pouvoir marcher quotidiennement jusqu’au bureau, de ne plus voir mes collègues ainsi que de ne plus pouvoir passer mon temps libre à voyager, voir mes amis sur place et profiter des terrasses pour boire un verre ou bruncher.

N.P. (Nicolas Philips, Chili) : Depuis le 18 mars, le Président chilien a déclaré « l’état de catastrophe » pour une période de 3 mois. Cette décision permet de prendre certaines mesures comme le maintien de chaînes d’approvisionnement pour le secteur des soins de santé, la fermeture partielle des frontières ou l’imposition de périodes de quarantaine. Cette décision a été prise relativement tôt si on se compare à d’autres pays puisqu’il n’y avait « que » 238 cas déclarés lorsque cette mesure est entrée en vigueur. Au niveau de Santiago (~7 millions d’habitants), la décision de mise en quarantaine dépend des communes. On est donc dans une situation où certaines communes sont en quarantaine et d’autres pas, cette situation évolue en fonction des cas déclarés. Santiago est une ville habituellement assez animée ; le calme qui y règne à présent est donc déroutant. Pour l’anecdote, un puma a été surpris en ville pendant une nuit de couvre-feu. Il a été attrapé et remis en liberté, sans causer d’incident. Au niveau professionnel, le défi qui s’est présenté consistait à rapatrier en urgence (avant la fermeture des frontières) une partie de l’équipe qui était à l’étranger dans le cadre d’un projet. Ça a été fait avec succès mais non sans un petit stress. Pour le reste, l’équipe est en homeworking depuis le 17 mars, nous continuons nos activités sans problème technique mais l’ambiance de travail est évidemment bien différente.


Avez-vous remarqué des comportements particuliers de la part de la population ?

S.G.(USA) : J’ai été témoin d’une généreuse initiative dans un immeuble voisin. Le gestionnaire de l’immeuble a créé une application sur laquelle les habitants peuvent s’inscrire soit comme personne à risque souhaitant de l’aide soit comme volontaire pour aider les premiers et aller faire leurs courses. Dans mon immeuble, on s’inquiète de savoir comment se portent nos voisins, on partage des plats faits maison et on se parle d’un balcon à l’autre… Des petites choses qui rendent le quotidien plus agréable en cette période hors du commun.

P.D. (Shanghai): Mis à part quelques comportements extrêmes à déplorer (peur de l’étranger ce qui fut le cas aussi envers les Asiatiques en Europe au début de la propagation du Covid-19, réflexions inappropriées ou commentaires inacceptables sur les réseaux sociaux,..), cette crise aura surtout révélé de très nombreux élans de solidarité. Les bureaux AWEX en Chine (avec un formidable support de gestion de nos collègues en Belgique) se sont transformés, depuis 3 mois, en bureau d’achat, métier qui n’est, en principe, pas le nôtre puisque l’AWEX gère habituellement les exportations et les investissements. En dépit de quelques petits couacs relayés dans la presse, la très grande majorité des achats (masques, tabliers, gants, tests,…) se sont bien déroulés et nous avons pu compter sur l’aide opérationnelle de plusieurs amis wallons vivant en Chine (dont plusieurs Alumni de notre belle Ecole) mais aussi de partenaires chinois qui nous ont fait bénéficier de leurs réseaux d’achat et de logistique pour aider la Belgique à disposer des équipements nécessaires à la gestion de cette crise. De nombreux dons de masques nous sont aussi parvenus. Merci à eux !

J.L. : Sydney est une ville où les gens vivent énormément en extérieur (dans les parcs, sur les plages, etc) et sont assez engageants. La mise en place du lockdown a complètement changé la manière dont les gens se croisent dans la rue ou se disent bonjour, ce qui était un peu perturbant au début. Mais très vite la population a échangé des sourires en rue par exemple, ce qui n’était peut-être pas commun au préalable dans un environnement citadin. D’un point de vue professionnel, un véritable état d’esprit « caring » s’est mis en place, chacun prend régulièrement des nouvelles de ses collègues et clients. Ce nouveau comportement aide clairement à affronter ce cap.

N.P. : Je savais les Chiliens assez efficaces pour gérer des situations d’urgence. Cette qualité s’est confirmée dans le cadre de cette crise. Dès la mi-mars, les grandes surfaces étaient aménagées avec un système de file d’attente avec marquage au sol afin de limiter le nombre de personnes présentes en même temps dans le magasin. Dès le départ, un système de distribution de gel hydroalcoolique a été mis en place à l’entrée du magasin ainsi que des plexiglass installés aux caisses. Par ailleurs, je n’ai pas observé de pénuries, ce qui montre que la chaîne logistique a tenu le coup. Tous les soirs à 21h, les Santiagois applaudissent en signe de remerciement au personnel soignant ainsi que pour les personnes qui permettent de maintenir les activités minimales nécessaires. Lorsque ma commune était en quarantaine, j’ai également entendu quelques concerts aux balcons.


Souhaiteriez-vous faire passer un message particulier aux lecteurs ?

S.G. : Restez prudents malgré le déconfinement.

P.D. : De rester fort, de prendre patience et surtout d’être prudent dans les mois qui viennent car ce virus est encore bien présent.

J.L. : Cette période est probablement un bon moment pour prendre le temps pour soi afin de réfléchir à ce qu’on veut accomplir dans les prochaines années et prendre soin de ses proches et de ses amis.

N.P. : Je pense évidemment aux personnes qui travaillent dans le secteur des soins de santé ou dans les secteurs qui sont restés actifs pendant le confinement (toujours effectif au Chili) et les remercie pour leur dévouement. On a encore peu de recul sur cette épidémie mais il est clair qu’elle va profondément modifier le fonctionnement de nos sociétés. En ce moment, on entend souvent qu’on ne reviendra pas « au monde d’avant ». Je pense que ceci est vrai indépendamment de cette crise. L’histoire n’est pas circulaire. Elle a été faite d’évolutions, de révolutions, de crises et de guerres. Il y a 3 réflexions qui me viennent à l’esprit au sujet de cette pandémie :

  • Cette crise illustre la différence qui existe entre une probabilité faible et une probabilité nulle. Dans un monde global et complexe, l’adaptation et le sens de l’anticipation sont donc primordiaux.
  • C’est souvent lorsqu’on est privé de quelque chose qu’on en réalise pleinement sa valeur. S’agissant de ma liberté de mouvement, pour la première fois, j’ai pris pleinement conscience de ce qu’elle représente.
  • L’être humain trouve avant tout son épanouissement dans les relations sociales directes, aucune application ne peut remplacer cela.

Encore un tout grand merci aux Alumni qui ont participé à ce dossier et ont accepté de partager leur expérience. D’autres témoignages continueront à être diffusés prochainement sur nos réseaux sociaux Facebook et Linkedin Alumni, sur lesquels vous êtes de plus en plus nombreux à nous suivre.

Philippe Delcourt
Consulate General of Belgium in Shanghai chez Wallonia Export-Investment Agency, Shanghai, Chine
Alumni 1992
Julien Lambert
Manager chez PwC Australia, Sydney Australia Alumni
2014
Stéphanie Grignet
Operations Director chez EF Education First à Miami, Etats-Unis
Alumni 2011
Nicolas Philips
CIO chez Sigdo Koppers, Santiago, Chili
Alumni 2003

 


Un article à lire dans le Spirit of Management n°39 !